Le moral des chefs d »entreprises face à la crise
« Souffrance morale« , « isolement », « dépression« , « burn-out« , « suicide« … Cette crise sanitaire, économique et sociale, mais surtout les différentes mesures prises pour tenter d »endiguer la prolifération du virus, parfois incomprises ou jugées injustes d »une profession à l »autre, commencent à avoir raison du moral des chefs d »entreprises. Parallèlement, de nombreuses actions sont déployées pour accompagner les dirigeants dans cette période difficile. Tour d »horizon.
Résister et se relever
Une étude menée par Bpifrance Le Lab, publiée le 02 décembre 2020, a mis en évidence une dégradation du moral des dirigeants inquiets pour la survie de leur entreprise : 62 % d »entre eux ont indiqué ressentir de l »anxiété face à la perte de leurs repères, et 48 % se sentir seuls souvent ou au quotidien.
Pourtant, pour nombre d »entre eux, leur détermination ne semble pas avoir été ébranlée. Ainsi, 82 % d »entre eux [interrogés en juillet] indiquaient n »avoir jamais songé une seule fois à tout abandonner et 63 % [interrogés en novembre] estimaient que la crise du Covid-19 avait été ou restait une occasion de saisir des opportunités pour leur entreprise.
Les risques de burn-out et de suicide
Pourtant une enquête publiée en juin 2020 de l’Observatoire Amarok, réalisée en partenariat avec la CPME et Harmonie Mutuelle-Groupe VYV, a mis en effet en évidence l »augmentation du niveau global d’épuisement des chefs d »entreprises lors du premier confinement.
Le sentiment d’impuissance et d’être coincé, ainsi que les difficultés à dormir sont exacerbés en cette période de confinement où l’économie tourne au ralenti, voire est totalement arrêtée pour certains secteurs ou métiers. Ce sont les trois déterminants les plus forts du risque d’épuisement professionnel actuel des chefs d’entreprises. Même si les facteurs habituels demeurent à un niveau élevé (fatigue, sentiment de déception et lassitude), le risque de burnout prend une toute autre signification dans le contexte de crise, comme s’il avait muté.
Enquête Amarok-CPME-Harmonie
Situation qui s »est largement aggravée depuis, comme le relève une récente étude de la Fondation Jean Jaurès publiée le 6 novembre 2020 qui met en lumière les conséquences psychologiques du confinement et du déconfinement sur les Français, notamment sur les intentions de suicide.
En effet, le lien entre le risque suicidaire et les crises économiques et sociales est connu depuis la crise de 1929. La progression du nombre de suicides se retrouve en effet à l’occasion de chacune des crises dans le monde, spécifiquement dans certains pays, notamment européens. C’est le cas par exemple de la crise financière de 2008 à l’origine d’une surmortalité suicidaire dans l’ensemble des pays européens.
Toutes les études montrent que les effets suicidaires des crises se font sentir dans un délai de plusieurs mois voire quelques années. Ainsi, pour celle de 1929, c’est à partir des années 1930-1931 qu’on a pu observer le pic le plus élevé et pour celle de 2008, c’est en 2009 et 2010. Il y a toujours un décalage entre la déstructuration économique et sociale et les réactions des personnes les plus affectées sur le plan individuel et collectif. Elles ne trouvent comme unique issue à leur vécu de dévalorisation, de désocialisation et de dépression que leur effacement de la vie quand ce n’est pas un passage à l’acte violent pour protester contre l’injustice du monde.
Ce décalage ne permet donc pas de connaître dès maintenant les effets de la crise liés à la pandémie de la Covid-19 sur le risque suicidaire en France. Il faudra plusieurs mois pour recueillir les données statistiques concernant le nombre de suicides et de tentatives de suicide recensées depuis le mois de mars 2020 et le premier confinement.
Il ressort pourtant de cette enquête que 20 % des personnes interrogées ont déjà envisagé sérieusement de se suicider, dont 25 % des artisans-commerçants et 27 % des chômeurs et dirigeants d’entreprise.
Une plateforme de soutien psychologique
Pour aider les chefs d’entreprise à faire face à la situation économique exceptionnelle provoquée par la crise sanitaire, le ministère de l’Économie et des Finances, en s’appuyant sur l’action de l’association Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA) et avec le soutien d’Harmonie mutuelle, de CCI France et de CMA France, a mis en place le 27 avril 2020 une cellule d’écoute et de soutien psychologique dédiée aux chefs d’entreprise.
Ce numéro vert 0.805.65.50.50 fonctionne en continu de 8 heures à 20 heures, 7 jours sur 7.
Pour contacter le référent APESA le plus proche de vous : apesa-france.com/associations-apesa-locales.
Etre accompagné pour bénéficier des dispositifs pour entreprises
Le Conseil National des Administrateurs et Mandataires Judiciaires (CNAMJ) a réactivé son opération « Solidarité entreprises Covid » du 23 novembre au 18 décembre (5 jours sur 7 de 9h30 à 17h) accessible au 0 800 94 25 64.
Elle permet aux chefs d’entreprise d’obtenir une évaluation de leur situation (dettes, trésorerie, prévisions, situation avec leurs bailleurs et leurs partenaire financiers, etc.) et « de réfléchir aux mesures d’aide à mettre en œuvre et aux outils de prévention disponibles ». Il s’agit en pratique d’un entretien confidentiel pouvant durer entre 30 et 45 minutes, sans prise de rendez-vous.
Depuis le 2 novembre, les dirigeants d’entreprises en difficulté – perdus dans le maquis d’aides mises en place pour le second confinement – peuvent également appeler gratuitement le 0 806 000 245 du lundi au vendredi de 9 heures à 12 heures puis de 13 heures à 16 heures. La DGFiP et l’Urssaf renseignent et orientent les chefs d‘entreprise vers les reports de charges ou d’impôts, les prêts garantis par l’Etat, le fonds de solidarité, l’activité partielle, etc.
« Les agents de ces plateformes ne pourront pas accéder aux dossiers personnels, précise Bercy dans un communiqué du 2 novembre. Afin de connaître l’avancement d’une demande d’aide en cours ou bien pour toute question nécessitant un accès aux données fiscales et sociales de l’entreprise, il convient de passer par les canaux habituels : les centres de référence et la messagerie du compte professionnel en ligne. »
Crédit photo illustration article : Gerd Altmann - Pixabay